Les noms de domaines de la Présidentielle 2007

par Thomas Fourdin, le 12 avril 2007

Edit : par le plus grand des hasards, l’une de mes sources d’information sur les noms de domaines (le bureau d’enregistrement français MailClub) se fend d’un article sur le même sujet : http://www.mailclub.info/article.php3?id_article=558. Heureusement cela correspond assez avec ce que je disais ici et MailClub analyse également les noms de domaines déposés autour de la campagne par les partisans, détracteurs et profiteurs de tout poil.


En regardant attentivement les panneaux d’affichage électoraux en ces temps de campagne présidentielle, je n’ai pas pu m’empêcher (déformation professionnelle oblige !) de relever les noms de domaines cités. Même si le choix de ces noms n’a bien sur que peu d’incidence sur les résultats, il m’a semblé intéressant de tenter de les décoder. Puisque ces noms ont tous fait l’objet d’un choix, ils ne peuvent pas être complètement anodins, non ?

Campagne présidentielle 2007 / affichage éléctoral – crédits : G-rome (CC)

Les données

La liste des noms de domaines officiels de la campagne visibles sur les panneaux électoraux (soit directement sur l’affiche, soit sur une petite affiche annexe qui indique que les interlocutions officielles radio et télé ainsi que les dates de passage sont disponibles sur le site Internet) :

Analyse

Première remarque : le choix de l’extension

Si on place les noms de domaines choisis sur l’axe politique habituel droite / gauche, on remarque que le choix de l’extension se répartit presque parfaitement entre .fr à droite et .org à gauche.

  1. en .org : Arlette Laguiller, Olivier Besancenot, Gérard Schivardi, José Bové, Marie-George Buffet, Ségolène Royal ;
  2. en .fr : Dominique Voynet, François Bayrou, Nicolas Sarkozy, Frédéric Nihous, Philippe de Villiers, Jean-Marie Le Pen ;

Un .fr marque l’appartenance à l’espace français qu’il soit géographique ou politique (c’est notamment l’extension officielle pour le gouvernement – .gouv.fr – et celui préconisé pour les entités politiques – munipalités en xx-ville.fr, conseils régionaux ou départementaux, administrations, etc.). Il semble mettre en avant l’identité nationale et le côté institutionnel.

Un .org est destiné originellement aux organisations et aux associations à but non lucratif. Lorsque les candidats traditionnellement placés à gauche de l’échiquier politique l’utilisent, on peut peut-être y voir une volonté se déclarer dans une logique d’action collective et désintéressée mais plus loin, du même coup, de l’idée qu’on se fait d’un gouvernement.

Entre ces deux camps se perd Gérard Schivardi et son adresse en .com (réservée normalement aux sites commerciaux mais devenue bien vite l’extension la plus usitée sur Internet), plus résultat à mon avis d’une méconnaissance ou d’un mauvais choix que d’une réelle volonté.

Deuxième remarque : la reprise du nom du candidat

Sur les 12 noms de domaines, 11 reprennent le nom ou partie du nom du candidat concerné. On parle donc bien ici d’une campagne visant à élire une personne. Par opposition, avec son adresse générique desirsdavenir.org, seule la candidate socialiste Ségolène Royal semble s’effacer derrière le slogan de sa campagne. Tentative de se différencier, de se déclarer moins candidate que porte-parole ? C’est peut-être le message désiré mais ça fait aussi du nom de domaine choisi l’un des moins intuitifs de la campagne.

Sur les autres domaines, quelques petits détails me paraissent également intéressants à souligner :

Arlette Laguillier qui ne pouvait vraisemblablement pas se passer de son prénom (presque sa marque de fabrique) décide d’associer prénom et nom.

Marie-George Buffet, assez bizarrement, ne retient que le prénom, qui est certes reconnaissable mais l’impasse du nom est étrange. Peut-être cet intitulé révèle t’il d’un choix par défaut, “buffet” étant un nom commun peu explicite seul et l’association du prénom double et du nom de famille engendrant un nom de domaine trop long à écrire. En tout cas, l’adresse du site donne donc un côté familial/amical un peu surprenant “viens donc voir le site de Marie-George”.

José Bové enfin qui, peut-être dans le même ordre d’idée que le parti socialiste, décide de mettre en avant le soulèvement qu’il engendre avant sa propre personne. Le slogan est ici “uni(e)s avec Bové” et cette volonté de forcer le féminin (pourtant déjà compris dans le “unis” comme le veut la langue française) difficile à retranscrire dans un nom de domaine donne cette drôle succession de tirets “uni-e-savecbove” très peu intuitive (pour information l’adresse http://www.unisavecbove.org fonctionne également).

Enfin, Philippe de Villiers laisse tomber la particule dans son nom de domaine. Respect de la langue française, oubli volontaire d’une particule vieillissante ou volonté de communication directe, je ne saurais trancher.

Troisième remarque : 2007 ou pas 2007 ?

Enfin (et je m’arrêterai là), il faut signaler la mention de l’année 2007 qui est reprise par 7 candidats sur 12. Cette mention a du pour et du contre.

Du pour puisqu’elle signale à grands bruits qu’il s’agit bien là du site de campagne du candidat concerné et qu’on y retrouvera donc l’ensemble des informations qui s’y réfèrent. Ce choix a du être notamment important avant l’année 2007 pour préparer la campagne en amont. On remarque que, spontanément, c’est le choix de l’année « 2007 » qui a été repris et non pas le mot « élection » à l’image de ce que propose, par exemple, le Forum des Droits à l’Internet repris par l’AFNIC. Parce que l’année affichée sans autre mentions frappe d’avantage les esprits ? elle rappelle une échéance, une date charnière ?

Du contre puisqu’en inscrivant ainsi la date de l’élection, il restreint la portée du site dans le temps, il semble donner comme objectif du site une communication temporaire qui n’aurait pas de débouchées à long terme. On remarquera d’ailleurs que les trois plus gros candidats ne reprennent pas la mention de l’année, peut-être parce qu’ils comptent bien revenir en 2012 ?

Conclusion

Voici donc, rapidement détaillé, un petit exercice sans prétention de lecture des adresses officielles des 12 candidats à la Présidentielle.

La première chose à retenir, je pense, c’est que le choix d’un nom de domaine n’est jamais complètement anodin. Ici, alors que je doute fort que les candidats (et/ou leurs équipes et agences) aient perçu toute la signification que pouvait recéler l’adresse même du site Web (et si ils l’ont fait, qui pourra la lire ?), on remarque qu’ils portent tout de même un message, un positionnement, une première démarcation. La preuve la plus évidente en est que, probablement sans concertation, les partis ou candidats de même bord pratiquent les mêmes usages !

Candidat nom de domaine extension prénom nom 2007
Arlette Laguiller arlette-laguiller.org org oui oui non
Olivier Besancenot besancenot2007.org org non oui oui
Gérard Schivardi schivardi2007.com com non oui oui
José Bové uni-e-savecbove.org org non oui non
Marie-George Buffet mariegeorge2007.org org oui non oui
Dominique Voynet voynet2007.fr fr non oui oui
Ségolène Royal desirsdavenir.org org non non non
François Bayrou bayrou.fr fr non oui non
Nicolas Sarkozy sarkozy.fr fr non oui non
Frédéric Nihous nihous2007.fr fr non oui oui
Philippe de Villiers villiers2007.fr fr non oui oui
Jean-Marie Le Pen lepen2007.fr fr non oui oui

la deuxième chose à retenir, c’est que très vite, sans réelle concertation, un principe de nommage peut se révéler et être reconnu comme tel. En effet, dans la liste des domaines utilisés on voit très nettement apparaître un tendance au « nom2007 » comme intitulé. C’est d’ailleurs le constat fait par le Forum des Droits Internet dans le cadre de l’observatoire de la web campagne. Sa première observation se concentre en effet sur les pratiques d’enregistrement des noms de domaines liés à la campagne par les partisans, opposants et profiteurs qui déposent essentiellement, d’après ses conclusions, des noms de domaines formés en « nom2007 ».

Pour pousser la réflexion sur l’émergence d’un principe de nommage, on peut d’ailleurs remarquer que le trio de têtes des candidats font partie de ceux qui s’en échappent le plus. Sans doute estiment-ils avoir moins à rappeler leur participation à la campagne que des candidats moins reconnus et se permettent-ils alors des solutions plus originales.


rien à voir du jour : pour avoir une idée du volume de citations des candidats sur Internet, rendez-vous sur la page dédiée du quotidien gratuit 20minutes, http://www.20minutes.fr/barometre-2007.php, que j’ai contribué à mettre en forme.

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