A qui appartient un site Web, ses utilisateurs ou ses concepteurs ? Qui le fait évoluer ?

par Thomas Fourdin, le 27 octobre 2009

Comment gérer les évolutions d’un site Web sans perdre ses habitués ? Imaginons le succès ! Votre site Internet propose des contenus et des services de valeur. De nombreux internautes s’y pressent chaque jour. Mais voilà, la concurrence évolue, votre design et votre approche se ringardisent. Il est temps de proposer une refonte graphique et ergonomique impactante de votre site !

Est-ce réellement une bonne idée ? Retour en exemple sur quelques stratégies des mastodontes du Web (je reviendrai sur les sites de taille plus modestes dans le prochain billet).

Les internautes reprochent à AlloCiné de faire évoluer son site brutalement

La semaine dernière, AlloCiné a mis en ligne sa nouvelle version. Plus épurée, plus blanche, moins tranchée pourrait-on dire. AlloCiné préparait cette nouvelle version depuis un certain temps et avait proposé aux internautes de la découvrir et de la commenter en amont. Et proposait même de recuillir les avis une fois la nouvelle version lancée

Sur le forum dédié, les commentaires sont depuis virulents. La majorité de ceux qui y prennent la parole se plaignent de la nouvelle version et demandent le retour de l’ancienne. Une résistance très forte au changement mais qui peut aussi s’expliquer par un choix graphique malencontreux.

DailyMotion fait évoluer son site timidement pour ne pas perde les internautes

Lors de la conférence Paris-Web 2009, un directeur artistique de DailyMotion exposait leur gestion des évolutions de la plate-forme vidéo. D’après lui et par expérience, les perturbations trop visibles désorientaient les internautes, diminuaient l’efficacité voire faisaient fuir les utilisateurs. Or quand on craint à tout moment une perte de ces publics vers le mastodonte que constitue YouTube, on ne peut pas se permettre de bricolages.

La stratégie DailyMotion consiste donc à faire du design itératif : des micro-changements fréquents mais imperceptibles pour l’internaute qui évoluent successivement vers une site plus efficace et plus à la page.

L’avantage est de ne pas risquer de déplaire. Le risque de cette vision est de prendre du retard sur les concurrents et de ne pas pouvoir proposer des innovations clivantes.

A noter que Google fait sensiblement la même chose avec certains de ses services délivrés au compte-goutte (notamment Gmail) mais en les indiquant au fur et à mesure de leur apparition.

Gmail annonce directement dans l’interface chaque nouvelle fonctionnalité à son lancement.

Facebook fait évoluer son site malgré les internautes

Facebook annonce en mars 2009 une évolution majeure de son interface. Un remaniement conséquent de l’affichage des profils.

Lors de sa révélation, c’est la surprise et l’indignation qui prévalent chez les utilisateurs (qui rappelont le, ne déboursent pas un centime pour gérer leur vie via ce service). Des mouvement de contestation émergent. Facebook pliera-t’il, ne pliera-t’il pas ?

Chris Cox, responsable produit, déclare alors que les évolutions sont toujours difficiles et qu’ils procéderont à des « ajustements » de leur proposition mais sans retour en arrière. Facebook ne pliera pas, cette évolution est « pour les internautes ». Contrairement à DailyMotion, leur concurrence est faible, Facebook fait figure de monopole. Les internautes s’inclinent forcés. Quelques mois plus tard cette interface ne pose plus de question et est réellement adoptée. (De mon point de vue elle se révèle même bien plus simple que l’ancienne).

A noter que par contre, Facebook a plié par ailleurs devant ses utilisateurs pour avoir modifié un peu trop durement ses conditions générales d’utilisation ou pour avoir tenté une publicité trop intrusive. Alors, service ou philosophie du service, même combat ?

Google fait du AB testing à grande échelle

Google procède encore autrement avec son interface de recherche qui doit aujourd’hui être la page la plus vue dans le monde. Sur les résultats des moteurs de recherche, certains (très peu nombreux) internautes se voient aléatoirement proposer une évolution du service. Toujours un passionné pour alors prendre une capture d’écran et la bloguer, provoquant illico une rumeur et une attente considérable sans aucun effort de communication de la part de Google.

A noter que certaines de ces évolutions proviennent d’interfaces annexes dites « de laboratoires » qui invitent les internautes à tester et commenter d’autres approches.

Évoluera, n’évoluera pas ?

Comme le montrent ces exemples, les internautes utilisateurs quotidiens d’un service même gratuit y sont très attachés. Changer la forme ou l’usage de ce service expose donc à leur surprise et à leur colère (incroyablement véhémente dans les exemples ci-dessus). Mais, par ailleurs, n’évoluer que dans le sens voulu par les internautes expose à d’autres risques : la remise en cause du modèle économique, l’absence d’innovations de rupture possibles, la différenciation insuffisante face à la concurrence.

L’idée est donc de continuer à innover tout en ne dérangeant pas les internautes et sans plier pour autant à toutes leurs requêtes. L’exemple de Google est à ce point édifiant puisqu’il parvient à susciter, plutôt qu’une incompréhension, une attente chez les internautes. Il est par contre difficilement reproductible.

Plan d’actions pour une évolution contrôlée et partagée par les internautes

  1. Faire évoluer le site très régulièrement par touches légères ;
  2. Avoir une vision à 6 mois des évolutions souhaitées et de leur mise en place itérative ;
  3. Mettre en place un recueil des avis et des idées des intenautes ;
  4. Prévoir un espace « labs » avec des évolutions plus clivantes et mesurer leur usage ;
  5. Proposer à certains internautes un accès restreint aux services les plus innovants et les inviter à en parler (blogueurs) ;
  6. Tester, tester, tester avant mise en ligne définitive ;
  7. Accompagner le lancement par un discours détaillé sur les bénéfices des évolutions, une aide précise et une écoute forte ;
  8. Savoir tenir bon une fois le service en ligne tout en écoutant les remarques ;

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